
extrait de «
La Chambre du Roi »
par Juliette Benzoni
- Le Roi !
L’huissier de la Chambre vêtu du tabard aux armes de
France vint s’immobiliser à l’entrée de la galerie des
Glaces, du côté du salon de la Paix où se font entendre
les violons et les claquements de pieds des gardes du
corps. Louis XIV paraît…
Son justaucorps est entièrement brodé d’or, mais
contrairement à son habitude, il porte peu de bijoux.
Pourtant un murmure d’admiration vole sur la Cour :
fixant le plumet de son chapeau un splendide diamant
jonquille irradie de mille feux… Personne ne lui a
encore connu cette merveille…
Conscient – et sans doute ravi ! – de l’effet produit,
Louis XIV s’avance de son pas majestueux, un léger
sourire flottant sur ses lèvres. Monsieur et ses
gentilshommes le regardent approcher – en particulier
l’un d’eux – avec une stupeur qui leur arrondit les
yeux.
Sire, mon frère ! s’exclama le prince sans pouvoir
retenir plus longtemps sa curiosité. Vous avez là un
fort beau diamant ! Je ne vous le connaissais pas !
- Moi non plus, voyez-vous, et c’est ce qui en fait le
charme… ah, Monsieur le chevalier de Lorraine, je ne
vous avais pas vu ! Vous semblez mal à l’aise ce soir ?
Seriez-vous souffrant ?
- Le Roi est trop bon de s’inquiéter de ma santé mais je
vais bien. Simplement, je suis dans l’éblouissement…
Ce joyau ? C’est vrai qu’il est beau, n’est-ce pas ?
–
C’est une acquisition récente ? demanda Monsieur après
avoir avalé sa salive.
- Non, c’est un présent !
- Un présent ? firent-ils tous en chœur, mais…
- D’une dame ! C’est pourquoi j’ai pour lui un faible
tout particulier !
- Il faut qu’elle soit…fort riche ! hoqueta Monsieur.
- Ou fort affectueuse ! J’en ai été d’autant plus
heureux que j’ignorais jusqu’à il y a peu l’existence de
cette belle pierre. Sinon, j’aurais sans doute essayé de
l’obtenir. Et honnêtement ! J n’aurais jamais eu l’idée,
par exemple, d’envoyer des estafiers fouiller une
demeure de fond en comble comme j’en sais certains
capables de le faire. Je l’aurais acheté, et sans
lésiner ! Mais il se trouve que l’on me l’a donnée.
- Votre Majesté a beaucoup de chance, fit Lorraine sans
réussir à dissimuler entièrement son dépit.
Le Roi darda
sur le gentilhomme un regard d’où s’était effacée toute
trace d’amusement :
- La chance se mérite, Monsieur. Il suffit parfois de
faire le bien au lieu de son contraire. Quoi qu’il en
soit, nous ne supporterions pas que cette dame si
généreuse ait encore à pâtir de mauvais procédés.
J’espère que c’est compris ?
- Mais, comme chez tous les Guise, l’insolence n’était
jamais loin chez le chevalier, ce dernier répliqua :
- Encore faudrait-il que nous connaissions la dame en
question.
- Vous ne la connaissez pas ?
- Non, Sire.
- Alors continuez ! Ce sera mieux pour tout le monde…. |